On (re)passe à l'Ouest
On serait bien restés encore un peu mais….il y a encore tant à voir…
Après El Bolson, donc, on continue vers le sud pour revenir vers le Chili. 1ère étape : la petite ville d’Esquel, à 180 km environ. Entre les 2, on nous avertit qu’il n’y a « rien », sauf Leleque, dont on n’arrivera pas à savoir, malgré la question maintes fois posée, si c’est un village, ou 2 maisons, s’il y a une boutique où s’approvisionner ou pas, de l’eau…. Et la route est …très ventée (on a fait des vidéos pour vous le montrer mais...on n'arrive pas à les charger!).
On découvre aussi des lieux étranges : par exemple un village en devenir, au milieu de nulle part, qui ressemble à un futur lotissement mais dont le premier bâtiment construit est…l’église. Une ou 2 maisons sont aussi sur pied, identiques, sortes de chalets en bois faussement rustiques. Bienvenue à San Francisco, ça fait envie !
Notre nuit chez Luciano
En fin de journée, arrivée à Leleque. Même les flics qui font des contrôles devant l’entrée de la route de gravier qui y mène, très sympathiques par ailleurs (et, comme beaucoup de gens, intrigués par le vélo de Stef), ne savent pas trop nous dire si on pourra trouver de l’eau, installer notre tente...
Après 5 km de piste bordée de clôture, on trouve un endroit pour planter la tente près de la rivière mais on a l’impression d’être sur un site privé, et on ne sait pas si l’eau de la rivière est potable (il y a du bétail dans le coin..). Je pars donc à la recherche d’un habitant dans cet endroit étrange : de jolies maisons proprettes, une chapelle, une ou deux maisons plus grandes, des bâtiments agricoles nickel…mais pas âme qui vive !
J’entends enfin de la musique (Beat iiiiiit ! ! !) et frappe à la fenêtre d’une maison. M’accueille un couple très sympathique, en train de diner, à qui je fais part de notre demande : de l’eau pour boire, et l’autorisation de camper.
En fait nous sommes sur une estancia (un ranch) appartenant à la famille Benetton. Rodolfo et Rosario ne sont qu’employés et ne peuvent pas nous donner le feu vert pour camper près de la rivière et donc…nous proposent de nous accueillir dans leur jardinet, devant chez eux.
On installe donc notre tente sur la pelouse, et sommes invités à partager un chardonnay argentin, une excellente salade de fruits frais, et le meilleur gâteau mangé en Argentine à ce jour (appelé «Erika »). Quelle excellente et inattendue soirée!
On parle malheureusement des attentats qui viennent de se produire et dont nous voyons les images sur la chaine d’info locale, de notre voyage, de la France, et ils nous racontent leur vie, leur boulot.
En fait Rodolfo et Rosario sont les intendants de la maison que la famille Benetton utilise pour leurs séjours sur place.
Le boss vient ici tous les trimestres pour une semaine, « pour le travail uniquement, car il n’aime pas particulièrement cette maison » nous dit Rodolfo, et tout doit être prêt ce jour-là. Rodolfo et Rosario vivent et travaillent dans l’attente et la préparation de ces quatre semaines annuelles.
Le reste du temps Rodolfo s’embête un peu, alors que Rosario adore la région et la solitude quelle procure, car la première ville est à 80km et les résidents permanents autour de la maison Benetton une petite dizaine seulement, soit quelques cadres attachés à la direction du domaine.
La propriété acquise dans les années 30 par la famille Benetton compte quelques dizaines de milliers de moutons élevés pour leur laine par soixante employés, répartis sur 900 000 hectares de pampa d’un seul tenant soit environ 100km sur 9km : un beau jardin, sujet encore aujourd’hui à controverse car il était auparavant un territoire des indiens Mapuches.
El chiefe leur propose le même travail dans sa maison de Trieste, mais Rosario, qui est d’origine uruguayenne, et l’Argentin Rodolfo hésitent à quitter l’Amérique du sud et une vie somme toute très confortable en Argentine.
Le lendemain nous sommes réveillés par une bonne odeur de café, là-aussi le meilleur bû en Argentine pour l’instant (cafetière italienne authentique !)
On a du mal à repartir…mais après quelques photos et de nombreux au revoirs, il faut reprendre la route, lestés du reste d’Erika, un véritable pain elfique ! Rodolfo, Rosario, muchas gracias por todo !
On s’arrête brièvement au musée Leleque, financé par Benetton toujours, dédié à la culture mapuche. Pas le temps de faire le musée (faut faire des choix…) mais le café, intéressant, reproduit l’intérieur d’un « general store » dans un bâtiment d’origine.
En route pour Esquel….la route, asphaltée, est belle, mais le vent de face ou latéral, constant, va forcir en approchant de l’aéroport jusqu’à devenir infernal…impossible de rouler, le défi c’est déjà d’arriver à pousser les vélos en les (et se) maintenant debout…on se place de l’autre côté de la route pour ne pas être projetés sur la chaussée par les bourrasques…épuisant ! Autant dire qu’on s’arrête dans le premier camping en arrivant à Esquel.
Le lendemain, dernières heures (pour l’instant) en Argentine : on passe à l’ouest ce soir. A 20km d’Esquel, on s’accorde une halte dans le village de Trevellin, qui a la particularité d’abriter une importante communauté…galloise ! Arrivés au début du 19è, les colons réussirent à conserver langue et culture, et aujourd’hui, des Argentins originaires de ce coin se rendent apparemment au Pays de Galles pour faire renaitre la langue dans des endroits où elle s’est perdue. Jamais effrayés par des expériences extrêmes, on va s’aventurer dans un salon de thé gallois et s’abandonner au plaisir pas trop coupable d’un excellent thé et de scones moelleux et exquis !
Nul doute qu’ils nous ont aidés à atteindre le soir même la frontière chilienne...
On passe par le minuscule hameau de Los Cipreses (où on fait l'achat d'un très choli bonnet mapuche)
Los Cipreses, son centre commercial, son église, sa cabine téléphonique, son parc automobile..et son poste de police hurlant de la musique à fond, seul bruit du village!
...et on passe le soir même la frontière chilienne.
Le paysage change radicalement: on passe de la sécheresse argentine à une petite route serpentant au milieu des prairies et des forêts et se laisse glisser vers Futaleufu et…le début de la Carreterra australe !
Futaleufu et son plan de ville très complexe..et ses jolies maisons en bardeaux de couleur..comme souvent, rien de particulier à voir, mais une chouette atmosphère, tranquille!
Une nouvelle aventure commence!