Cambodge
« Comment ce pays de la beauté absolue a-t-il pu basculer dans l’horreur la plus totale ? » (Kampuchea.- Patrick Deville)
Le Cambodge est riche d’une culture qui en a fait, en son temps, la royauté la plus puissante de la région, mais a été victime d’une histoire cruelle qui, depuis la chute des rois d’Angkor, a amené sa population à manquer de disparaître plusieurs fois et à être aujourd’hui un des pays les plus pauvres de la planète.
Un pays qui nourrit les fantasmes du voyageur donc.
Cependant nous n’avons pas prévu de nous attarder au Cambodge. Plus que trois mois de voyage, le temps nous manque déjà. Un mois, 3 mois, un an ou une vie, le temps nous manque toujours pour voir et faire tout ce qui nous intéresse. Que ne donnerions-nous pour avoir toujours plus de temps. Comme il faut faire des choix nous passerons plus de temps au Laos, réputé avoir des routes plus accueillantes pour les cyclistes.
Au Cambodge, nous décidons de nous intéresser à ce qui fait la beauté de ce pays, les temples d’Angkor notamment, plutôt que de visiter les lieux emblématiques de la barbarie khmer rouge tels les charniers de Choeng ek ou le dernier repaire de Pol Pot à Along Veng. Ces lieux sont, de plus, éloignés de la trajectoire prévue qui doit nous amener depuis la frontière thaïlandaise jusqu’au mythique Mékong à la frontière du Laos.
Nous lisons le livre de François Ponchaud «Cambodge année zéro » et « Kampuchéa » de Patrick Deville, qui nous font prendre conscience de l’extrême singularité du Cambodge et de son histoire récente. La prise de Phnom Penh par les khmers rouges il y a 40 ans et la reddition des derniers combattants en 1998 seulement. Nouis réalisons que nous croiserons sur la route, derrière les sourires qui nous sont adressés, des victimes mais aussi des bourreaux de la révolution la plus extrême jamais menée dans le monde. Les Cambodgiens sont très accueillants, mais un sentiment de malaise ne me quittera pas pendant tout le séjour.
Nous passons la frontière à Poipet, quittons la Thaïlande et entrons dans un autre monde.
Poipet, c’est la cour des miracles.La pauvreté est très présente, et l’activité des marchands ou autres trafiquants si grouillante que le chaos de la circulation est étourdissant.
Des hommes et des femmes en haillons poussent d’énormes charrettes à bras emplies de marchandises en provenance ou à destination de l’autre côté de la frontière, des touristes thaïlandais se fraient un passage avec leur énormes 4X4 parmi la cohue des piétons et motocyclistes pour se rendre dans les casinos glauques installés là car interdits en Thaïlande. Des gamins en guenilles, un cul de jatte sur un fauteuil roulant bricolé, c’est un mélange hétéroclite qui défile devant les flics et douaniers rigolards qui arnaquent les touristes rouges et suants dans une chaleur et une poussière suffocante .
C’est là que nous débutons notre voyage à vélo en direction Siem Reap, car nous sommes au Cambodge pour voir l’une des merveilles du monde: les temples d’Angkor. Les premiers kilomètres dans cette ville sont un peu hallucinatoires; et puis la circulation s’éclaircit peu à peu pour nous laisser pédaler dans une campagne brulée par le soleil...aprés un solide petit dejeuner bien sûr, car un cycliste, ça consomme des calories!
C’est la saison sèche actuellement, il fait 38C° à l’ombre, les rizières sont sèches et nous aussi nous séchons à risquer de finir en billtong… Un point positif cependant pour cette région du Cambodge ?..... ben c’est rigoureusement plat.
Arrivés à Siem Reap après deux jours de voyage, nous trouvons un hôtel confortable qui offre le service très appréciable d’avoir une piscine sur le toit. Nous ne regretterons pas ce choix car la température ne descendra pas en dessous de 35C° durant notre séjour.
La ville est très animée. La totalité des touristes qui visitent le Cambodge passent par Siem Reap ou ne font que visiter Angkor
Le site d'Angkor, ça n’est pas que Angkor Wat, il y a de nombreux autres merveilleux temples à découvrir. Nous resterons 9 jours à sillonner le site à vélo : Angkor Thom, le Bayon, Banteay Srei, Prea Khan, tous situés dans un cadre magnifique : la forêt clairière originelle du peuple Khmer.
On imagine l’émotion de l’explorateur et entomologiste Français-Henri Mouhot qui, courant après un papillon, se cogne au mur d’enceinte d'Angkor Wat et redécouvre au 19ème siècle les vestiges d’une civilisation disparue et oubliée par tous depuis 4 siècles.
Là, Indiana Jones est battu à plates coutures.
Banteay Srei, notamment, est une merveille. Les fresques sculptées dans un grés très dur ont 1000 ans d’âge et sont dans un état de conservation tel qu’il rendrait jaloux n’importe quel sculpteur de nos cathédrales.
Après la visite des sites angkoriens, nous nous dirigeons, par une route tracée au Nord du Cambodge, quasi déserte et toujours écrasée de chaleur comme il convient de l’écrire, vers la frontière du Laos via l’ancienne citée royale de Kor Ker.
Nous croisons sur la route des engins improbables.
Les moyens de transports des Cambodgiens ne sont pas plus rapides que le nôtre la plupart du temps.
Transports khmers (diaporama)
Les touristes ne se bousculent pas sur cette route, ce qui nous assure un petit succès auprès des Cambodgiens et des gamins qui sont hilares à la vue de mon vélo.
Le vélo, lent et silencieux, permet d’entendre et de voir les rires et commentaires en khmer que nous interprétons au ton des voix par « viens voir ce truc » « ouarff !! mdr !! ». Le pouce levé, lui, est clair. Ce vélo n’aura déclenché que des réactions de sympathie et de franche rigolade : faites du vélo couché!
Un petit diaporama de visages khmers rencontrés sur la route s'impose.Les Cambodgiens sont trés accueillants.
Visages khmers
Nous atteignons Stung Treng en 5 jours, dernière étape au Cambodge avant la frontière du Laos, après avoir franchi le sublime Mékong.
Nous rencontrons deux cyclotouristes sur un tandem semi-couché qui nous expliquent que la route vers la frontière est vraiment terriblement mauvaise. Il est vrai que le macadam est un peu fatigué
Ces deux-là vont se rendre en Amérique du sud après l’Asie. Anouk et moi leur souhaitons un bon voyage avec un petit sourire en pensant aux pistes sud-américaines défoncées où nous avons roulé.
Nous avons parcouru 700km au Cambodge, Il est temps de passer au pays du million d’éléphants et de rejoindre les 4000 iles, plus au nord sur le Mékong, pour un peu de farniente. A cet endroit, durant la saison des pluies, le Mékong mesure 14 Km de large, il est parsemé d’iles et ilots autour desquels vivent des dauphins d’eau douce : de quoi nourrir à nouveau les fantasmes du voyageur!